Ariane, l’espace au bout du fil ! – Épisode #3

Bonjour à tous !

Aujourd’hui, place à l’avant dernier épisode de la série de billets sur le lanceur Ariane et les lanceurs spatiaux en général. Dans le premier épisode de cette série, on s’est intéressé à la construction spatiale européenne ainsi qu’à la constitution générale d’un lanceur (importance de l’étagement, distinction étages/moteurs…). Dans le deuxième épisode, on a décrit les différents modes de propulsion spatiale. Cette semaine, on va s’intéresser à l’importance du choix de la base de lancement, puis étudier quelques performances d’un lanceur.

Lanceur en ZL
Ariane 5 quittant sa base de lancement (ELA3 pour Ensemble de Lancement Ariane 3)

Le choix de la base de lancement

Comme vous le savez, le lanceur Ariane 5, comme les autres lanceurs commercialisés par Arianespace (Vega et Soyouz), est lancé depuis la base de Kourou, en Guyane française, appelée aussi le Centre Spatial Guyanais (CSG). Or le lanceur est essentiellement fabriqué sur le continent européen (en France et en Allemagne notamment). On peut donc légitimement se poser la question du choix d’une base de lancement si lointaine. Quelle est donc cette idée saugrenue de parcourir plusieurs milliers de kilomètres sur Terre pour mettre en orbite un satellite à une altitude de seulement 200 km ?

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Les bases de lancement dans le monde

Plusieurs raisons à cela ! La première est qu’une base de lancement nécessite d’être dans une zone très peu peuplée et dans la mesure du possible, proche d’une côte, pour des raisons évidentes de sécurité en cas d’accident.  Ensuite, cette zone doit être très peu sujette aux catastrophes naturelles (tremblements de terre, cyclones…) ce qui est le cas de le Guyane. Par ailleurs, le site de Kourou présente l’avantage d’être situé à proximité de l’équateur, notamment pour les lancements de satellites vers une orbite géostationnaire. En effet, comme on l’avait vu dans le billet sur les satellites géostationnaires, l’orbite géostationnaire est située dans le plan équatorial. Ainsi, si le lanceur part depuis une position éloignée de ce plan, le satellite aura, à la fin de son orbite de transfert, une inclinaison par rapport à ce plan qu’il faudra modifier, ce qui nécessitera de consommer des ergols. C’est autant d’ergols qui ne pourront pas être utilisés pour le maintien du satellite sur son orbite géostationnaire, ce qui résulte en une diminution de la durée de vie du satellite.

Enfin, un autre avantage de cette situation proche de l’équateur est ce que l’on appelle l’effet de fronde. Pour expliquer ce phénomène et son intérêt, on va tout d’abord introduire la notion de \Delta V (« Delta V »). Le \Delta V est une grandeur que l’on utilise dans le domaine spatial pour quantifier la différence de vitesse qu’il est nécessaire de fournir pour réaliser une mission. Par exemple, si on veut échapper à l’attraction terrestre, on doit atteindre ce qu’on appelle la vitesse de libération, qui est de 11,2 km/s. Ainsi, pour réaliser cette mission, un lanceur doit être en mesure de délivrer un \Delta V, c’est-à-dire une différence entre sa vitesse « d’arrivée » et de « départ », de 11,2 km/s (sans compter les éventuelles pertes). Pour mettre un satellite sur une orbite de transfert géostationnaire, ce \Delta V est d’environ 10 km/s. La production de tels \Delta V repose en grande partie sur les moteurs et les ergols embarqués. Mais aussi sur l’effet de fronde. Cet effet consiste en fait en l’accélération (et la déviation) d’un corps du fait de l’attraction qu’un objet plus massif (souvent une planète) exerce sur lui. Pour un lanceur, l’idée est de directement profiter de la vitesse de rotation de la Terre, qui est maximale au niveau de l’équateur et minimale au niveau des pôles, pour lui donner un « élan », un « coup de pouce » d’environ 0,5 km/s, ce qui est loin d’être négligeable. Ce complément de vitesse diminue plus on s’éloigne de l’équateur. Cet effet est aussi utilisé par des sondes. On l’a notamment vu avec la sonde Rosetta, qui a utilisé cette assistance gravitationnelle à quatre reprises durant son périple.

Les performances d’un lanceur

Intéressons-nous maintenant aux différentes performances d’un lanceur. On les a quasiment déjà toutes introduites au cours des trois épisodes de la série. Elles sont globalement au nombre de quatre.

La première est la charge utile. Il s’agit de la masse totale de satellites que le lanceur peut embarquer et mettre sur orbite. Pour les lancements multiples (i.e. la mise en orbite de plusieurs satellites au cours d’un même lancement), il faut soustraire à cette charge utile la masse du dispositif qui permet de disposer les satellites sous la coiffe du lanceur.  Il est intéressant de regarder le rapport de la charge utile d’un lanceur sur la masse du lanceur lui-même. Globalement, ce rapport ne dépasse pas quelques pourcents, ce qui permet de se rendre compte de « l’effort » nécessaire pour mettre en orbite un satellite. Il faut noter que cette charge utile dépend de l’orbite visée. Par exemple, la charge utile d’Ariane 5 est de 10,5 tonnes pour une orbite de transfert géostationnaire (GTO), et près du double pour une orbite terrestre basse (LEO). La charge utile de Vega est de maximum 2 tonnes en orbite basse. Ariane 5 est ce qu’on appelle communément un lanceur lourd, et Vega un lanceur léger.

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Les lanceurs d’Arianespace (de gauche à droite : Vega, Soyuz et deux versions d’Ariane 5). Image issue de site de l’ESA.

La deuxième, on vient de l’introduire dans ce billet. Il s’agit du \Delta V, le différentiel de vitesse nécessaire à atteindre pour accomplir une mission. Là aussi, sa valeur dépend de l’orbite que l’on souhaite atteindre. On notera que c’est notamment du fait de cette grandeur que les lanceurs présentent différents étages : il est en effet difficilement possible d’atteindre de telles valeurs de \Delta V sans éjecter de la masse au cours du lancement.

La suivante est la poussée que peut fournir le lanceur. Comme on l’a vu dans le billet précèdent, cette poussée est produite par l’éjection rapide de gaz, résultant de la combustion des ergols, au travers d’une tuyère. Chaque moteur de chaque étage fournit une poussée. La pousse fournit pour un premier étage (booster) sera beaucoup plus importantes que celle fournie pour les étages supérieurs (quelques milliers de kN contre quelques dizaines de kN). On l’a par exemple vu avec Ariane 5, pour laquelle les deux moteurs solides du premier étage fournissent plus de 7000 kN chacun tandis que le moteur HM7B de l’ESC (étage supérieur cryotechnique) fournit moins de 70 kN.

La dernière est l’impulsion spécifique. Pour rappel, il s’agit du temps pendant lequel 1 kg d’ergols peut produire 1 kgf de poussée, i.e. en quelque sorte, une mesure de l’efficacité d’un moteur. On l’a vu, elle dépend à la fois des ergols et des cycles moteurs utilises. Elle varie de 200 s à un peu de 500 s selon les ergols. Très souvent, elle est d’autant plus faible que la poussée développée est importante.

 

C’est tout pour ce billet. N’hésitez pas à le commenter. On se retrouve dans le dernier épisode où on parlera notamment de lanceurs réutisables !

Sources

Toutes les images sont, sauf mention contraire, issues du site du CNES.

4 commentaires sur “Ariane, l’espace au bout du fil ! – Épisode #3

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